Saturday, April 14, 2007

PAQUES EN PRISON, PAQUES A LA PRISON



































Oui, chers frères et soeurs,
Si nous sommes venus auprès de vous, c’est, entre autres, pour vous affermir dans votre foi et vous exprimer, au nom de la communauté chrétienne de Boma, notre vie fraternelle, d’amour, de respect des uns des autres, de paix, de liberté et d’amour ; et aussi pour encourager tous ceux et toutes celles qui s’engagent et dévouent auprès de vous. Aujourd’hui, c’est une grande joie d’être avec vous, car c’est la fête de Pâques, la Résurrections de notre Seigneur Jésus-Christ.
Nous savons que votre présence ici n’a été souhaitée par personne d’entre vous. Nous savons que votre vie ici est souvent marquée par une situation de misère et de pauvreté : famine, maladies, tracasseries physiques et psychologiques. Vous êtes parfois objet de haine et d’abandon. Il vous arrive d’être victimes de régionalisme ou de tribalisme. Vous avez parfois du remords pour avoir fait du tort à telle ou telle personne.
C’est pourquoi nous voulons vous dire que Pâques, c’est le passage de la peur au courage et à l’audace, de l’angoisse à l’assurance ; de l’ignorance à la connaissance, de la haine à l’amour, de l’injustice à la justice, de la guerre à la paix, du tribalisme à la fraternité, de la tristesse à la joie, de l’isolement à la communion, de la passivité à l’engagement, des ténèbres à la lumière ; bref, une célébration de la vie nouvelle. C’est cela que nous avons célébré dans la liturgie de la nuit pascale. Le Cierge pascal, par lequel nous avons ouvert la liturgie de la nuit sainte de Pâques, est lumière qui vient chasser l’obscurité et tous les dangers de nos vies : il est lumière qui vient nous libérer et nous faire accéder à la vérité ; il symbolise le Christ qui est « lumière pour éclairer les nations » (Lc 2, 32).
Dans notre pays, la fête de la résurrection du Seigneur de cette année nous invite à entrer résolument dans une ère nouvelle. Les nouvelles institutions issues de diverses élections se mettent en place tant au niveau national que provincial. Dans son adresse à la Nation, à l’occasion de son in­ves­titure, S. Exc. Monsieur le Président de la République a fait comprendre à tous les citoyens et citoyennes de notre pays qu’avec l’avènement de la IIIè République s’ouvrait une ère nou­vel­le, une ère d’un un Congo nouveau, prospère, fort et fier.
Mais cela n’est possible « qu’à la condition qu’un chan­ge­ment plus profond et substantiel intervienne dans notre perception de l’action publique », qu’il y ait « une révolution profonde des mentalités » et qu’on en appelle sans cesse « à une mobilisation générale du génie créateur de tous les Congolais, quelles que soient leurs con­victions politiques ou religieuses et où qu’ils se trouvent, sur le territoire national ou à l’ex­térieur ».
Nous chrétiens, avons des motifs nobles pour puiser le dynamisme de la révolution profonde des mentalités et de la mobilisation générale du génie créateur de tous à partir du message de Pâques. Oui, nous voulons « un Congo plus beau qu’avant ». Ouvrons-nous aux merveilles de l’action de Dieu en nous et reconnaissons, dans les événements quotidiens, la présence du Christ mort et mis au tombeau. C’est cette reconnaissance qui nous amènera à confesser que Christ est vivant et qu’il est ressuscité, qu’il est parmi nous, qu’il est dans nos cœurs. Ainsi nous pourrions lutter pour que le pardon, la réconciliation, la joie, la fraternité, le travail, la justice et la paix règnent dans nos cœurs, dans nos foyers, dans nos villages, quartiers, cités, villes, dans notre province, dans notre pays et dans le monde entier.
A vous nos frères et sœurs prisonniers : Jésus est au milieu de vous, il se confie à vous en frère et ami ; il vous demande de vivre entre vous dans le respect mutuel ; de vous entraider dans vos divers besoins : nourriture, savon, médicaments, etc. , de prier individuellement et en communauté ; de profiter de la situation que vous vivez maintenant pour demander pardon à Dieu ou à toute personne que vous auriez offensée, de disposer vos cœurs au pardon, au changement là où il y a mauvaise habitude, mauvais comportement, de vivre ici dans le respect des institutions du pays et dans le respect légitime de vos autorités.
A vous, autorités des maisons de détention et ceux qui les assistent : Jésus vous invite aujourd’hui à respecter la dignité humaine de toutes les personnes qui vous sont confiées ; le fait d’être en prison n’enlève pas la dignité humaine à quelqu’un ; c’est un devoir civique et religieux de traiter les prisonniers avec respect et dignité : dans les paroles, dans les pénalisations éventuelles, dans les attitudes, dans le travail infligé, dans les soins de santé nécessaires, dans la ration alimentaire ; c’est un devoir civique et religieux d’améliorer les conditions de détention et d’incarcération. Monsieur le Régisseur de Prison, Messieurs les gardiens de prison et toute personne engagées pour ce travail : le Christ vous rappelle maintenant ces paroles : c’est dans la mesure où vous traitez les autres, c’est dans la même mesure que vous serez un jour traités par Dieu.
A vous magistrats, juges et autres autorités : Jésus vous prie de vous montrer dignes de son exemple de vie. Toute sa vie a été une lutte pour faire triompher la justice et le droit : évitez donc des arrestations arbitraires ; renoncez au jugement téméraire, injuste et politisé ; soyez les protecteurs de tous par vos efforts d’appliquer correctement la loi et de la respecter de façon égale pour tous. Votre préoccupation ne doit pas être d’abord l’arrestation, l’emprisonnement, mais l’arrangement à l’amiable et la restauration de l’entente, de la paix et de la tranquillité pour tous.
A nous qui venons de nos propres maisons : rendons grâce à Dieu pour cette présence ici pour réconforter spirituellement, moralement, physiquement et psychologiquement nos frères et sœurs. Le Seigneur nous demande d’éviter d’accuser faussement les autres, de traîner toute affaire devant les tribunaux ; d’encourager l’arrangement à l’amiable et en commu­nauté nos palabres ; de lutter pour le respect des personnes humai­nes et l’abolition des mesures ou des décisions injustes ; de faire appli­quer correctement la loi.
C’est avec beaucoup de reconnaissance, de joie et d’encouragement que je m’adresse envers tous ceux et toutes celles qui, sous une forme ou sous une autre, s’efforcent d’apporter un peu de joie, de réconfort spirituel, moral et physique à nos frères et sœurs ici en prison. J’admire avec une profonde satisfaction spirituelle ces personnes, hommes et femmes, individuellement ou en groupes, des MACs, des Associations pieuses ou des Instituts religieux qui acceptent de donner de leur temps et de s’humilier pour favoriser et établir des contacts qui permettent à ces personnes souvent délaissées et abandonnées de vivre un moment de joie et de paix, les restituant ainsi dans leur dignité humaine. Comme dit saint Paul dans sa lettre aux chrétiens de Rome : « Accueillons-nous les uns les autres, comme Christ nous a accueillis, pour la gloire de Dieu » (Rm 15, 7).
En ce jour béni de la Résurrection du Seigneur, je vous souhaite tous d’heureuses et saintes fêtes pascales et j’implore sur chacun et chacune de vous les bénédictions du Très-Haut.
(Extrait de l'homélie de S. Exc; Mgr Mbuka Cyprien, cicm)
Prison de Boma, Pâques, 08 avril 2007, 10h00.




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